Le Centre d’art contemporain Ullens à Pékin a ouvert sa rétrospective dédiée à l’un des plus célèbres artistes contemporains, ZENG Fanzhi. L’exposition court jusqu’au 19 novembre 2016, autour de 25 années de travail, depuis les séries Hospital et Masques qui ont fait de lui une célébrité mondiale.
Pékin, le tremplin d’une carrière
Formé à l’Académie des Beaux-Arts du Hubei dans le Wuhan, à 800 kilomètres de Shanghai. Après l’obtention de son diplôme, le jeune artiste s’installe à Pékin en 1993, où il commence sa désormais fameuse série des Masques, dont l’influence Pop Art trouvera un écho favorable sur les scènes occidentales. Le Pékin du début des années 90′ s’avère extraordinairement dynamique créativement, en pleine période de mutation économique, idéologique et sociale forte. L’énergie de la ville attire les occidentaux, ses premiers acheteurs d’oeuvres avant même qu’il ne se fasse remarquer par ses compatriotes. Sa carrière débute ainsi, ouverte sur la scène internationale. En 1993 et 1994, la puissante galerie Marlborough l’intègre à deux expositions londoniennes. D’emblée, Zeng Fanzhi s’inscrit comme un fer de lance de la nouvelle peinture chinoise. A Pékin toujours, il rencontre Myriam Ullens et Guy Ullens, qui ne sont pas encore célèbres. Zeng Fanzhi ne sait pas qu’il vend une première toile à des pionniers de l’art contemporain chinois, bientôt initiateurs du premier centre artistique privé de Chine, le Ullens Center for Contemporary Art (UCCA) qui ouvre ses portes en 2007, dans l’Espace 798 à Pékin. Les Ullens achèteront bien d’autres toiles, dont The Last Supper, une œuvre de 2001 issue de la série des Masques, qui électrisait les enchères à plus de 23 m$ en octobre 2013 à Hong Kong, un record jamais égalé.
L’artiste chinois le plus coté
Zeng Fanzhi intègre pour la première une vente aux enchères avec la série des Masques. Nous sommes en 1998, et Christie’s prend le risque de présenter deux toiles à Londres. Mais il est trop tôt et, malgré ses expositions passées à la Marlborough de Londres, les deux toiles sont ravalées. Elles étaient pourtant accessibles pour moins de 8 000 $ chacune, le prix actuel pour une lithographie en tirage très limité.
Arrivent les années 2000 et la spectaculaire émergence de l’Asie sur le marché de l’art mondial, menée par la Chine. Les artistes chinois attisent de nouvelles convoitises et le marché explose dans les années 2004-2007. Zeng Fanzhi décroche ses premiers résultats millionnaires en mai et juin 2007 à Hong Kong et à Pékin. A l’automne de la même année, les millions arrivent à Londres et à New York : le succès est international. Zeng Fanzhi devient le fer de lance de la création chinoise de la seconde moitié du XXème siècle, les collectionneurs se ruent cette signature brûlante, et les records s’enchainent. L’artiste s’impose alors comme le contemporain chinois le plus cher du moment. En 2008, son diptyque Mask series 1996 No.6 part pour 8,6 m$, au quintuple de son estimation (Christie’s Hong Kong) puis, en octobre 2013, un nouveau pallier est atteint, avec les 23,2 m$ décrochés pour The Last Supper (Sotheby’s Hong Kong). A l’époque, ce record fait de Zeng Fanzhi le quatrième artiste vivant le plus cher de la planète, après Gerhard RICHTER, Jeff KOONS et Jasper JOHNS et, par la même occasion, l’artiste de moins de 50 ans le plus cher du monde.
Si l’heure n’est plus à de telles envolées de prix, sa notoriété est désormais bien ancrée. Des expositions prestigieuses, dont celle du Musée d’Art Moderne de Paris en 2013-2014, ont participé à inscrire profondément sa signature dans le paysage culturel actuel. Même si le marché est retombé, Zeng Fanzhi reste incontournable dans l’émergence d’un nouvel art contemporain chinois.
Ces dernières années, il renoue avec l’histoire de l’art chinois dans un travail plus introspectif, tourné vers l’observation de la nature et des maîtres anciens. Sa manière de peintre a radicalement changé : les coups de pinceaux sont devenus visibles, stridents, expressifs, d’une façon que certains rapprochent de l’expressionnisme mais que l’artiste explique plutôt par un lien fondamental avec la calligraphie traditionnelle dans son état d’esprit.
Aujourd’hui, Zeng Fanzhi aborde son parcours et sa célébrité avec une nouvelle maturité. Il engage son art sur le terrain essentiel de la protection environnementale, contribuant ainsi à la sensibilisation de ses compatriotes sur cette question, particulièrement brûlante en Chine. Sa meilleure adjudication emportée sur les 12 derniers mois témoigne de cet engagement, car elle récompense, à hauteur de 5,4 m$, une peinture représentant notre planète bleue, intitulée Paradise (vente du 4 octobre 2015 chez Sotheby’s à Hong Kong). Pourquoi si chère pour une toile de 80 centimètres ? D’une part parce que l’oeuvre en question est co-réalisée avec une autre figure chinoise phare Ma Jack, fondateur du site internet Alibaba et milliardaire le plus populaire de Chine. Mais surtout parce qu’elle se vendait à des fins philanthropiques, l’argent généré étant destiné à lever des fonds pour la protection de l’environnement. Pari réussi : la réunion médiatique de Zeng Fanzhi et de Ma Jack autour d’une noble cause a fait exploser son prix, 17 fois au-dessus de l’estimation haute.
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