Mozi: un portrait

Un portrait historique de Mozi



MOZI / MO TSEU
(ca 479- ca 420)

On en sait très peu sur la vie de Mozi, probablement issu du milieu des artisans de la Plaine centrale si l’on se fie aux nombreuses anecdotes faisant état de ses compétences dans le maniement de divers outils. D’où le caractère souvent pragmatique de ses propos et sa préoccupation pour l’utilitarisme.

Nous sommes à la fin de l’époque des Printemps et des Automnes, soit la fin de la féodalité des Zhou, et au début de la période dite des Royaumes combattants, laquelle se terminera par l’unification sous le premier empereur.

Sa philosophie représente donc, à la fois, un prolongement et une critique radicale de l’humanisme confucéen. Elle a pour objectif de répondre directement aux besoins croissants de connaissances techniques et de compétences bureaucratiques fournies par la classe montante des Lettrés. En conséquence, il substituera à l’idéal de l’homme de bien la figure de l’homme capable.

Mozi et ses successeurs sont issus des hie, ces chevaliers errants dont les « paroles furent toujours sincères et dignes de confiance, et leurs actions toujours rapides et décisives » et nous savons que les moïstes s’étaient donné une organisation strictement disciplinée, capable d’actions militaires. Cependant, ils différaient des chevaliers errants ordinaires sous deux aspects : ils étaient rigoureusement opposés à toute guerre d’agression, ne consentant à combattre que dans des guerres de légitime défense, et leur code d’éthique avait une justification rationnelle, celle du bien commun.




Ses écrits ont été rassemblés sous le vocable éponyme Le Mozi qui comporte trois parties : Les 10 thèses [auxquelles souscrit Menzi] ; Le canon moïste ; Les questions de génie militaire [techniques de défense, interventions militaires]. Ce qui ressort, c’est que le critère d’utilité l’emporte sur tout argument d’autorité ou de tradition. L’utilitarisme moïste est en fait une obsession de la fonctionnalité poussée à son comble, qui ne fait agir que dans un but déterminé.

Le principe de l’amour universel de Mozi deviendra le fondement de toute action morale. On pourrait dire sollicitude par assimilation i.e. l’assimilation des autres à soi-même, ce qui n’est pas l’amour pour autrui de Confucius, mais bien plutôt une préoccupation impartiale et raisonnée pour tous les hommes comme une fin en soi. Le tout est d’amener la nature humaine à convertir son intérêt individuel en intérêt général, chacun trouvant son compte dans le bien commun.

Mozi est le seul penseur à faire de l’égoïsme la cause fondamentale de la guerre : l’homme est tellement obnubilé par la poursuite de ses intérêts, tellement aveuglé par la partialité des liens qui l’unissent à sa famille et à son pays, qu’il en vient à ne plus voir dans ses semblables que des étrangers, et, dans le cas extrême de la guerre, à ne plus savoir qu’un crime est un crime.

Bien que l’idée centrale du Mozi se fonde sur la nécessité de l’amour universel comme seul régulateur efficace des relations humaines, d’où une philosophie de sobriété, et de haine de la guerre, il demeure pessimiste, car il ne croit pas que les hommes y soient enclins naturellement.

Pour Mozi, l’autorité du chef de l’État découle de deux sources : la volonté du peuple et la volonté du Ciel. Le chef de l’État est établi par la volonté du peuple pour sauver celui-ci de l’anarchie et la fonction principale de l’État devient celle d’unifier les normes i.e. faire disparaître les normes individuelles et donc arbitraires, et il incarne le bien commun. En conséquence, l’État doit être totalitaire et l’autorité de son chef, absolue.

Références documentaires

CHENG Anne. (1955 - ) Histoire de la pensée chinoise, Seuil, Paris, 1997, Coll. Points, Essai no 488, 696 p. Voir le chapitre 3 : Le défi de Mozi à l’enseignement de Confucius (pp.94-109).

DUTOURNIER Guillaume. Mozi et Confucius, Le Point, no hors-série 13, mars-avril 2007, pp.78-79.

ELISSEEFF Vadime & Danielle ELISSEEFF. La Civilisation de la Chine classique, Arthaud, coll. Les grandes civilisations, Paris, [1979, 629p.], 2è édition 1987, 503 p.

FONG Yeou-Lan [1895-1991]. Précis d'histoire de la philosophie chinoise, Éd. Le Mail, [1952], 367 p. Voir le chapitre V : Mo-Tseu, le premier adversaire de Confucius. pp.68-78.

©Les Ateliers de taiji, juin 2015
par Robert Boudreault