Philosophe daoïste originaire du pays de Chu, dans le sud de la
Chine des Zhou, autour du bassin moyen du fleuve Bleu. Son nom
signifie littéralement enfant du hameau.
Zhuangzi vécut
misérablement, préférant sa liberté personnelle au joug des
responsabilités du pouvoir.
Le livre de maître Zhouang est
aussi connu sous le nom de Canon sacré de Nan Houan, du nom de
la localité ou de la montagne du Shantong où l'auteur s'était
retiré.
Certains chapitres parmi les plus anciens, écrits
entre 250 et 300 av. J.-C., sont probablement écrits par une
seule personne. D’autres, probablement l’œuvre de disciples ou
successeurs, s’étaleraient tout au long des dynasties Qin et Han
(-221 à 25), voire des Wei et des Jin (220 à 420).
Zhuangzi
est avant tout le fabuliste du daoïsme : il s’exprime dans des
discours extravagants, dans des paroles insolites, dans des
expressions sans queue ni tête, parfois trop libres mais sans
partialité, car sa doctrine ne vise pas à traduire des points de
vue particuliers.
D’après Zhuangzi, seule la Voie était
absolue, toute autre chose était relative. Il confondait le
sujet et l’objet, comme dans le célèbre passage du rêve, ici
relaté dans un poème de Li Po :
Zhuang Zhou a-t-il rêvé
qu’il était papillon, Ou plutôt le papillon rêva-t-il d’être
Zhuang Zhou ? Si une créature peut ainsi en une autre se
transformer, Le monde entier n’est qu’une chaîne infinie de
transmutations… Pourquoi, alors, s’étonner si le vaste océan
à Peng-lai Devient soudain un petit ruisselet ? Et si
celui qui plantait des melons à la porte Verte Était,
auparavant, le puissant duc de Dong-ling! Si la fortune et
les honneurs sont aussi inconstants, À quoi bon faire des
efforts et trimer dur toute sa vie.
Développement spirituel
En véritable daoïste, il en déduit que quand « ceci
» et « cela » cessent de s'opposer, quand les distinctions
cessent, on arrive à la vraie essence du Dao. Effacer ses traces
représente donc pour le sage le commencement de la Voie; il lui
est impératif, s’il veut progresser, de ne point être prisonnier
de la mémoire des hommes, aussi Zhuangzi propose-t-il neuf
étapes pour le développement spirituel :
1. Perte de
l'artifice, retour à l'inculte, au sauvage. 2. Obéissance du
novice au maître spirituel: la nature. 3. Après trois ans, le
monde opaque des êtres devient sans résistance et se laisse
moins comprendre que pénétrer. 4. La passivité augmente, le
vouloir propre est détruit. Comme une chose qui se laisse
déplacer, on se laisse faire. 5. Chose parmi les choses,
l'être renouvelé se trouve en fait là où il n'y a plus de
distinction, c’est-à-dire à l'origine. 6. Réintégrer en Gui,
c'est revenir à l'animation propre mais parfaitement
instinctuelle. La « continuité » de l'influx cosmique me
parvient et m'anime pour me redonner « l'instinct ». 7. Le
degré supérieur de l'animation cosmique, au-dessus de
l'instinct, c'est le mouvement spontané céleste en moi. 8. La
condition terrestre vécue jusqu'ici suppose que l'être a quitté
la mort pour la vie, mais en moi, l'existence cosmique devient
telle que la barrière vie/mort s'efface. 9. L'union mystique
avec cet insaisissable mouvement total de l'Univers s'obtient
enfin. Dernière étape dont il n'y a rien à dire sinon qu'elle
est acquise sans retour.
Dao yin : nourrir la vie
Les
techniques inspirées des mouvements des animaux étaient devenues
courantes sous les Han, à la veille de l’ère chrétienne,
celles-ci consistant à « guider et induire » l’énergie vitale de
manière à lui permettre de circuler librement à travers tout le
corps. Il fut le premier à utiliser l’expression daoyin
signifiant « conserver la santé » par la détente et la
décontraction :
« Souffler et respirer, expirer et inspirer,
rejeter l’air usé et en absorber du frais, s’étirer à la manière
de l’ours ou de l’oiseau qui déploie ses ailes, tout cela ne
vise qu’à la longévité. C’est ce qui est prisé de l’adepte qui
s’efforce de guider et induire l’énergie, de l’homme qui veut
nourrir son corps, ou de celui qui espère vivre aussi vieux que
Peng Zu ». Citations
La parole n’est pas seulement un
souffle. Celui qui parle a quelque chose à exprimer. Mais ce
quelque chose n’est jamais tout à fait déterminé par la parole.
La raison d’être des mots est dans le sens; une fois
saisi le sens, on oublie les mots.
Références
documentaires
BILLETER Jean-François. Études sur
Tchouang-Tseu, Éditions Allia, Paris, Réédition 2008, 291p.
BILLETER Jean-François. Leçons sur Tchouang-Tseu, Éditions
Allia, 2009, Paris, 148p.
CHENG Anne. Histoire de la
pensée chinoise, Seuil, 1997, Voir le chapitre 4 : Zhuangzi à
l’écoute du Dao, pages 113 à 142.
LÉVI Jean. Propos intempestifs
sur Tchouang-Tseu : du meurtre de Chaos à la révolte des singes,
Paris, Allia, 2e édition revue et corrigée, 2007, 169 p. (paru
d’abord en 2003).
LÉVI Jean. Les œuvres de Maître
Tchouang, Édition de l’Encyclopédie des Nuances, deuxième
édition révisée et augmentée, 2010 (édition originale en 2006),
370p.
LÉVI Jean. Le petit monde du Tchouang-tseu Éditions
Philippe Picquier, 2010, 386p.
TCHOUANG-TSEU. Les
philosophes taoïstes, Lao-tseu, Tchouang-tseu et Lie-tseu,
Gallimard, NRF, Paris, La Pléiade no 283, 1980, 776 p. (traduit
par LIOU Kia-hway, voir pp.85-358)