L'Ode au Saint-Laurent, écrite par Gatien Lapointe, est un hommage vibrant rendu au peuple et à la nature québécoise.
Jacques Brault est peut-être le poète qui a le mieux réussi à unir l'esprit de son temps avec une parfaite forme artistique. Mémoire, publié en 1965, est considéré comme l'aboutissement de la "poésie du pays". Ces poèmes dont le centre est Suite fraternelle sont apparemment moins violents que ceux de certains autres poètes de l'Hexagone, mais ils sont plus profonds, et d'un lyrisme plus émouvant. Jean Royer le qualifie comme "un grand poète lyrique", et Alain Bosquet le considère comme "l'un des plus purs poètes de ce temps", "qui a réussi à trouver la possibilité de conjuguer art et révolte, forme et colère".
Paul Chamberland représente l'aile gauche de la "poésie du pays". Avec Terre Québec et L'afficheur urle, il se dresse contre toutes les formes de la domination anglo-saxonne (linguistique, culturelle, économique). Ses poèmes sont souvent des cris de révolte.
Enfin il faut mentionner le poète-chanteur Gilles Vigneault. Par ses chants, il a su vulgariser la poésie du pays: son célèbre chant Mon pays "est unanimement connu au Québec":
Mon pays ce n'est pas un pays c'est l'hiver
Mon jardin ce n'est pas un jardin c'est la pluie
Mon chemin ce n'est pas un chemin c'est la neige
Mon pays ce n'est pas un pays c'est l'hiver.
Aujourd'hui au Québec, on doit faire face aux problèmes très différents de ceux d'il y a 30 ans. Il est vrai que ce n'est plus une urgence de recourir à la poésie dans la lutte politique.
Après la Révolution Tranquille, la poésie québécoise a changé. Gaston Miron a dit "Adieu... la poésie a changé". On pourrait résumer cette évolution par une phrase: du nationalisme à l'individualisme, de la poésie de la place publique à la poésie travaillée avec soin comme un objet d'art. Désormais, les thèmes traités sont universels: le féminisme, le postmodernisme, la contre-culture représentent les principaux courants.
Mais la "poésie du pays" reste une page glorieuse de la poésie nationale du Québec. C'est par la "poésie du pays" que la poésie québécoise se hisse à la position d'une poésie française nationale, et attire l'attention du monde.
Le 24 juin 1990, c'est-à-dire trente ans après le début de la Révolution Tranquille, j'ai assisté à Montréal au défilé de la fête nationale du Québec. Deux cents mille Québécois ont défilé le long de la rue Sherbrooke, en brandissant des milliers de drapeaux fleurdelisés en scandant: "Notre vrai pays c'est le Québec!", "Vive le Québec libre!". Le soir, quelques centaines de milliers de personnes se sont réunies dans l'Iles Sainte-Hélène, pour assister à la Soirée des chants qui avaient pour thème "Liberté et Indépendance". Certaines vieilles chansons chantées par Gilles Vigneault ont trouvé une réaction délirante de la part des spectateurs. J'avais alors l'impression de ressentir les palpitations du cœur des Québécois.
En 1995, j'étais à Montréal, et j'ai observé le déroulement du référendum du 30 octobre. Bien que les souverainistes furent battus par une minime avance par les fédéralistes, le peuple québécois a démontré une fois de plus sa détermination d'accéder à l'indépendance. Le résultat du référendum nous fait réfléchir: si l'on n'apporte pas des changements importants à la Constitution fédérale, les problèmes québécois ne seront jamais résolus. Gaston Miron nous a quittés, mais son Homme